Brève présentation des ethnomédecines en général, et de la médecine traditionnelle chinoise en particulier

 

Le fait qu’il existe différentes médecines sur terre, et que chacune d’elles n’aborde pas l’humain de la même manière, n’est pas nécessairement une évidence partagée par tous. Notre faculté de médecine, pour ne prendre qu’elle, ignore ostensiblement ce fait. On appelle cela l’ethnocentrisme. Rassurez-vous, les chinois ont aussi le leur : quand on s’appelle « pays du milieu », difficile de ne pas se prendre pour le centre du monde ! Quoi qu’il en soit, ce premier article a pour but de faire un peu mieux connaissance avec cette médecine « d’un autre hémisphère », et dont l’Occident n’a qu’une vision très parcellaire.

 

Les ethnomédecines

Si l'on en croit les récentes statistiques médicales[1], les pays industrialisés sont en droit de douter de l'efficacité exclusive des solutions offertes par la médecine moderne face aux problèmes de santé, et commencent à recon­naître l'utilité d'autres approches qu'ils ont jusqu’ici dédaignées. Nombre de ces approches sont issues de civilisations non occidentales, et connues depuis des siècles. Il s’agit des médecines dites traditionnelles, ou ethnomédecines.

Chaque civilisation du monde a sa propre vision de la vie, de la mort et de la maladie. Chacune d’entre elles a, au fil de son histoire, généré un système médical à l’image de cette vision : les médecines traditionnelles chinoise, tibétaine, ayurvédique, africaine, arabe, amérindienne, etc., bien que qualifiées chez nous de « parallèles », traitent actuellement les deux tiers de la population mondiale.

Notre médecine moderne s’ouvre très lentement au fait qu’elle n’est elle-même qu’une ethnomédecine parmi d’autres. L'Organisation Mondiale de la Santé n'a pu négliger l'apport incontournable que constituent ces médecines indigènes dans son programme de santé mondiale, et s’est dotée depuis une vingtaine d’années d'un groupe d'experts en médecines traditionnelles. Même si cet intérêt pour les traditions médicales du monde s'avère quelque peu limité à l'exploitation que pourrait en faire notre industrie pharmaceutique, la reconnaissance de ces savoirs est là : aujourd’hui, 80% des médicaments utilisés dans le monde sont dérivés de plantes médicinales traditionnelles.

On regrettera toutefois l’absence de curiosité fondamentale de la part des chercheurs occidentaux, quant à la manière dont ces traditions utilisent leur propre pharmacopée et leur propre médecine. Il serait bon que la prochaine révolution scientifique passe par la remise en cause des postulats posés par la science elle-même en préliminaire à ses recherches. Ce jour-là, elle s'apercevra peut-être qu'elle ne fait souvent que redécouvrir ce qu'elle avait oublié. Elle trouvera décrite, dans un ouvrage médical datant d’avant Jésus-Christ, la genèse d’un processus dégénératif ou tumoral suite à un choc émotionnel, tandis qu'elle-même, quelques 2500 ans plus tard, tient toujours des colloques pour savoir si les émotions auraient un effet sur la santé...

Les ethnomédecines reposent sur une sagesse qui a traversé les siècles, et offrent une heureuse alternative à notre vision technico-commerciale de la médecine. Ce qui ne veut pas dire qu’elles cherchent à la remplacer : en Chine, la médecine traditionnelle chinoise a su cohabiter avec la médecine occidentale pour donner naissance à un système bicéphale qui, pour un coût de santé quelques quarante fois inférieur au nôtre, offre à sa population la même espérance de vie que dans nos pays riches. C’est sans doute là le meilleur mariage qui puisse se faire, et que nous espérons voir un jour célébré chez nous.

On peut se demander si des médecines traditionnelles exogènes sont vraiment à même de faire face à nos problèmes de santé d’occidentaux. N’y aurait-il pas de tradition médicale plus proche, mieux adaptée à notre culture ? En Occident, il y a bien longtemps, Hippocrate, Galien et Paracelse ont jeté les bases d’une médecine traditionnelle européenne. Mais l’histoire a voulu que cette vision là disparaisse, progressivement ramenée au champ des microscopes de la science expérimentale moderne. Nous y avons perdu au passage nos racines, et c’est effectivement par le biais d’autres ethnocultures que nous recherchons aujourd’hui nos liens avec le Ciel et la Terre. Car cette vision, et c’est ce qui nous sauve, n’est ni chinoise, ni tibétaine, ni arabe, ni africaine, ni indienne : elle est universelle, commune à tous les hommes et toutes les ethnomédecines du monde.

 

La médecine traditionnelle chinoise

Parmi les diverses ethnomédecines que connaît le monde, la médecine chinoise présente la particularité d'être restée une tradition vivante, ouverte et organisée. La conservation de nombreux textes médi­caux classiques, associée à une longue tradition orale, ont permis une transmission qualitative du savoir depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Elle est aujourd’hui en Chine une médecine d’état, disposant au même titre que la médecine moderne de son ministère, de ses universités, de ses hôpitaux et de ses unités de recherche.

Bien que son berceau historique et géographique soit aux antipodes de l'Occident, la médecine des chinois appartient au patrimoine culturel et scientifique de l'humanité. Son efficacité lui a permis de traverser les siècles, et ses possibilités d'application sur le terrain l'ont amenée à se développer hors de Chine, pour gagner progressivement toutes les régions du monde.

Transmise de maître à élève pendant de nombreuses générations, puis enseignée sous forme universitaire depuis la révolution culturelle en Chine, cette médecine fait seulement ses premiers pas en Occident : il s'agit d'une transplanta­tion déli­cate, devant respecter l’esprit des origines tout en s'adaptant au con­texte de notre socioculture, qui ne fonctionne ni sur le modèle de la Chine Antique, ni sur celui de la Chine actuelle.

Soulignons quelques grandes particularités de la médecine traditionnelle chinoise :

Tout d’abord, elle peut traiter les maladies à un stade précoce. Un stade où, chez nous, le patient n’est pas encore officiellement considéré comme malade. Car notre médecine classique, si elle est efficace dans l’urgence et capable de prodiges en chirurgie, est un peu comme la police : elle a besoin de preuves matérielles pour intervenir. Pourquoi le corps humain ne mériterait-il pas les mêmes soins que ceux accordés à tout véhicule ? Nous savons bien qu’une révision et un entretien général sont préférables à de coûteuses réparations. La médecine chinoise s’inscrit dans cette logique, qui considère que « traiter la maladie une fois celle-ci déclarée, c’est comme attendre d’avoir soif pour creuser un puits ». Elle se veut avant tout une médecine de santé, capable d’enseigner aux patients l’art de ne pas tomber malade.

Pour faire face à la prévention et au traitement des maladies, la médecine chinoise dispose d’un ensemble de méthodes thérapeutiques naturelles et de conseils d'hygiène de vie adaptés aux individus : acupuncture, plantes médicinales, massages, exercices de santé, diététique, sexologie, ethnopsychologie, etc. L’ensemble de ces méthodes permet de couvrir un très vaste champ thérapeutique, d’une puissance généralement inférieure à celle des traitements occidentaux, mais sans ces effets iatrogènes devenus, chez nous, un facteur de maladie et de mortalité extrêmement préoccupant (voir note page précédente).

Enfin, toutes ces méthodes reposent sur un diagnostic traditionnel, lui-même associé à une vision de l’homme très différente de celle de notre médecine scientifique. Un ancien traité de cette médecine, le Nei Jing, l’exprime ainsi :

"Chaque individu constitue un paysage particulier, et le médecin le regarde comme un peintre regarde sa toile. Le teint du visage, l'expression des émotions, les manifestations de douleur, l'aspect du pouls, expriment la nature propre à chacun, ils constituent l'essence du paysage humain. Lorsque l'on est en bonne santé, le paysage est beau. Lorsque l'on est malade, la peinture est laide."

Cette façon de regarder les hommes n’est pas spécifiquement chinoise : nos médecins-philosophes du passé s’exprimaient sensiblement dans les mêmes termes. Si cette vision a progressivement disparu pour laisser à des analyses chimiques et à des machines électroniques le soin de nous comprendre et de nous soigner, elle est toujours dans notre cœur, qui en comprend le langage universel.

 

Une autre vision de la santé

Toute médecine s'intéresse normalement à la vie. Mais la vie n'est-elle pas justement cette force dynamique - que les chinois ap­pellent le Qi, l'énergie - dont sont dépourvus les cadavres que l'on dissèque en faculté de médecine ?

La vie n'est-elle pas également, outre un assemblage d'éléments physico-chimiques, le fruit de certains composants d'ordre spirituels, mentaux ou affectifs, qui font de nous des Homo Sapiens ?

Et cette vie biochimique, n'est-elle pas elle-même le fruit de forces dépassant l'homme ? N'avons-nous pas en nous, au travers de notre respiration et des pulsations du sang dans nos veines, les rythmes du Ciel et de la Terre qui nous nourrissent à chaque instant ?

Née il y a quelques vingt-cinq siècles, la médecine chinoise est marquée des influences du Taoïsme et du Bouddhisme. Pour elle, l'homme n'apparaît pas comme une simple structure biochimique, mais comme un écosystème miniature, produit de la terre, du ciel et des étoiles, à qui il doit à chaque instant son souffle, son sang et sa lumière intérieure. La médecine chinoise considère ainsi que « la vie n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la Vie ». Elle souligne également le fait que cette vie a un sens (Dao), qu'en son âme et conscience, l'homme ne peut ignorer. Surtout pas le médecin, dont le pouvoir de régler le véhicule humain est bien limité s'il n’en connaît ni le propriétaire, ni la destination.

Une telle vision est bien éloignée, pour ne pas dire opposée, à celle de notre biomédecine moderne, soutenue par un puissant complexe pharmaco-technologique dont elle dépend entièrement, et qui a plutôt pris le parti de rame­ner l'homme - ou plutôt la maladie qui l'habite, lui-même semblant présenter un intérêt relatif - à des dimensions essentiellement quantitatives et matérielles.

Loin des redoutables défis éthiques et écologiques posés aujourd'hui par l'explo­sion des biotechnologies, et notamment du génie gé­nétique, la médecine chinoise, en prenant en compte l'être humain dans toutes ses dimensions, nous remet en contact avec les éléments d'une sagesse millé­naire dont notre société postindustrielle semble désespé­rément en quête.

 

Un art rigoureux aux accents poétiques

Sans rien sacrifier à l'analyse rationnelle, mais sans avoir pour autant recouru à d'inutiles expérimentations animales ou humaines[2], les médecins traditionnels chinois ont accumulé au cours des siècles une somme remarquable d'informations tirées d'une observation minutieuse du vivant. Opérant au sein d'un vaste empire unifié depuis 1000 ans avant l'ère chrétienne, des générations successives de méde­cins ont ainsi pu transmettre et confronter leurs expériences et leurs observations, permet­tant ainsi un renouvellement et un enrichissement de la pratique médicale au cours des siècles, toujours sur la base de concepts remontant à la plus haute Antiquité. Cette remarquable continuité historique, qui caractérise d'ailleurs l'ensemble de la civilisation chinoise, explique en partie la valeur épistémologique, la cohérence théorique et l'efficacité pratique qui ont fait la réputation de la médecine chinoise.

Plutôt que de développer un arsenal technologique toujours plus complexe, la médecine chinoise s'appuie sur les qualités humaines du prati­cien : elle considère que les capacités de perception sensorielle, les facultés de raisonnement et de jugement constituent l'instrument d'analyse le mieux adapté au diagnostic de la pathologie humaine. Le diagnostic chinois se fait sans les examens de laboratoires ou les appareils de détection modernes. C'est le praticien qui procède lui-même à l'examen du patient, au moyen de procédés naturels tels que l'observation, l'auscultation, l'interrogatoire détaillé ou la palpation du corps et des pouls. La médecine chinoise enseigne que « ce qui se passe au-dedans se manifeste au-dehors », mais nous avons perdu l'habitude de le lire. Elle nous réapprend à regarder l'être humain, plutôt que de se focaliser, au moyen d'instruments toujours plus sophistiqués, sur les seuls paramètres de sa maladie.

Face à l'infinie variabilité des pathologies humaines, la théorie médicale chinoise a également recensé et défini un certain nombre de syndromes physiopathologiques fondamentaux, dont l'étude approfondie constitue également l'un des outils majeurs du diagnostic chinois. À la sensibilité individuelle nécessaire à la perception des manifestations pathologiques, vient ainsi s'ajouter une rationalité d'ensemble, qui permet aux praticiens de poser leur diagnostic et leur principe de traitement dans des termes analogues, ce qui confère à la médecine chi­noise une valeur épistémologique certaine.

Le diagnostic causal en médecine traditionnelle chinoise ne s’exprime pas dans les mêmes termes que celui de la médecine occidentale. Cela tient avant tout au fait que les deux médecines ne regardent pas la maladie de la même manière. Le Dr Leung Kok Yuen illustre ce fait par l’anecdote suivante :

« Imaginez qu’en rentrant de vacances, vous trouviez à l’intérieur de votre maison des champignons sur les murs. Vous pouvez avoir deux réflexes possibles :

- Vous pouvez vous demander « Quelle est cette espèce de champignon ? » Puis faire des prélèvements, recenser leur nombre et leur taille, et enfin mettre au point un produit toxique pour les éliminer.

- Vous pouvez aussi vous dire « Il fait froid et humide, ici ! » Puis ouvrir les volets et les fenêtres, et rallumer le chauffage pour permettre à l’air, à la lumière et à la chaleur de rétablir un microclimat normal à l’intérieur de la maison, afin que les champignons disparaissent d’eux-mêmes. »

C’est ainsi qu’un diagnostic de « salmonellose » en médecine moderne peut être baptisée « chaleur et humidité dans le gros intestin » en médecine chinoise ; et être traité tout aussi efficacement par cette dernière, sans avoir eu recours au microscope et aux analyses.

La même logique s’applique à de nombreuses pathologies : là où la médecine moderne se focalise sur les seuls agents pathogènes, la médecine chinoise s’attache plutôt au climat et à la résistance interne de l’organisme. Ainsi, elle ne peut pas dire avec précision où se situe une tumeur et quelle est sa taille, mais elle a par contre une idée de ce qui peut la faire naître, et pourrait permettre de la faire régresser. A l’heure où la « cancérogénèse » est à la mode, une telle approche ne mériterait-elle pas un peu plus de considération de la part de nos chercheurs ? Est-il incongru de souhaiter que ces deux visions, qui ont toutes deux leur justesse et leur utilité, cohabitent bientôt dans notre système de santé ?

 

Un système médical complet

Le choix s'avère délicat, pour qui s'intéresse au fonctionnement de l'homme et rêve d'une méthode universelle pour le comprendre et le soigner. Est-il une mécanique de précision, un composé chimique, un ensemble vibratoire, un esprit incarné, un produit du milieu ? Un peu de tout cela, sans doute. Il est bien difficile de se faire une idée juste d'un être dont l'image est si plurielle : comment savoir si la cause profonde de son mal se trouve dans ses examens sanguins ou ses sentiments refoulés ? Comment peut-on être "spécialiste" de telle pathologie ou de tel organe, dès lors que toutes ces dimensions s'entrechoquent ?

Dans les temps anciens, un seul homme réunissait ces différentes approches : on l'appelait sorcier, ou chamane. Il connaissait les herbes, et parlait aussi aux esprits. L’apparente complexité humaine ne l’effrayait pas, car tout avait pour lui la simplicité de la Nature. Il utilisait des méthodes thérapeutiques qui, bien que jugées désuètes aujourd'hui, tenaient pourtant compte de ce qu'est la réalité humaine : un mélange indissociable de matière, d'énergie et d'esprit, mélange que notre science moderne a préféré couper en morceaux pour mieux l'étudier.

La médecine chinoise antique est reconnue comme l’une des premières et des plus importantes médecines chamaniques de l’histoire humaine. Elle a su conserver cette approche globale, et la synthétiser en un système qui, d'un point de vue occidental, emprunte non seulement à la médecine, mais également à la physique, à l'écologie, à la philosophie, à la sociologie ou à la religion. 

Le large éventail des méthodes thérapeutiques de la médecine traditionnelle chinoise reflète cette approche multidimensionnelle de l’être humain. Celles-ci vont de pratiques psychosomatiques issues du chamanisme à la chirurgie, et interagissent entre elles pour former une médecine qui s'adresse à l'être humain et à son milieu de vie, et non seulement à ses maladies.

De nos jours, ces méthodes sont regroupées en cinq branches principales :

1.   La pharmacopée chinoise : cette méthode thérapeutique consiste en l’utilisation de substances médicinales issues des trois règnes (végétal, minéral, animal) sous différentes formes (pilules, poudres, décoctions...). La pharmacopée chinoise est l'une des plus riches du monde. Elle a fait l'objet de milliers d'ouvrages au fil des siècles, et constitue la branche thérapeutique la plus importante du système médical chinois. Issue d'une longue tradition clinique et expérimentale, elle nécessite une formation au diagnostic plus poussée que l'acupuncture, qui est une méthode comparativement plus tolérante. Une importante voie de recherche pour les années (ou les siècles) à venir, est la redécouverte des principes d’action de notre pharmacopée occidentale en termes de médecine traditionnelle, et son intégration progressive à la materia medica chinoise.

2.   Les traitements externes : cette branche désigne l’ensemble des techniques thérapeutiques applicables depuis la surface du corps. Les plus connues sont l'acupuncture (qui regroupe elle-même bon nombre d’autres méthodes, telles la moxibustion, les ventouses, les saignées, les emplâtres, etc.) et le massage, ainsi que les manipulations osseuses ou encore la chirurgie. Précisons que le terme « manipulations osseuses » (litt. Zheng Gu, redresser les os) désigne la remise en place de luxations, et non une technique de type ostéopathique visant à traiter l’organisme en jouant sur certaines tensions. En médecine chinoise, ce sont l’acupuncture et le massage qui ont cette fonction.

3.   La psychothérapie traditionnelle : il n'est que d'observer les statistiques sur le nombre de défaillances cardiaques ou de cancers faisant suite au décès d'un proche ou la perte d'un emploi, pour se convaincre de l'importance qu'il y a, en médecine, à tenir compte de l’état psychoaffectif des patients, et le cas échéant, à le modifier. Le Nei Jing Su Wen dit que, face à certaines maladies, « si le médecin n’a pas assez d’autorité pour détourner l’esprit du malade, toute la médecine sera impuissante ». Influer sur le comportement émotionnel, faire regarder les choses sous un autre angle, associer des suggestions de type hypnotique à une séance d’acupuncture, cela fait couramment partie du traitement en médecine chinoise, même si l’on ne parle pas de « psychothérapie » aux patients, afin de ne pas générer de résistances ou de réactions conditionnées de leur part. A partir d'une ethnopsychologie qui lui est propre, la médecine chinoise a développé un ensemble de techniques, appelées "les médicaments du coeur", qui s'avèrent tout aussi - sinon plus - importants que ceux du corps, dans le traitement de nombreuses maladies actuelles. La psychologie chinoise aborde également, et de façon originale, la question de la mort, une approche indispensable à l’heure où tant de questions se posent, dans nos pays, par rapport à l’euthanasie et à l’accompagnement des mourants.

4.    Les exercices de santé, ou Qi Gong : Le Qi Gong est une sorte de « Yoga chinois », une gymnastique millénaire permettant de modifier le fonctionnement des organes internes et de traiter les maladies. Classés en différentes catégories selon qu'ils sont mobiles ou statiques, sollicitant l'ensemble du corps, la respiration et la concentration mentale, les exercices chinois sont utilisables aussi bien dans un but préventif que thérapeutique. Il existe également des exercices destinés aux praticiens, leur permettant de ne pas perdre leur énergie en soignant les autres, ou encore de développer leurs capacités thérapeutiques (la pratique assidue du Qi Gong peut développer chez certaines personnes une forme de magnétisme, un pouvoir thérapeutique particulier analogue à celui des guérisseurs de nos campagnes).

5.   Les conseils de santé : le plus ancien des traités de médecine chinoise, le Nei Jing, débute par la description de règles élémentaires d’hygiène de vie qui, si nous savions nous y conformer, régleraient par anticipation la grande majorité de nos problèmes de santé, tout en nous assurant une longévité de qualité. Nos habitudes de vie suivent généralement des schémas collectifs ou des phénomènes de mode bien éloignés de nos besoins physiologiques réels. Quelques conseils de bon sens adaptés individuellement en matière d’alimentation, de sexualité, de rythme de travail et de repos etc., suffisent souvent à rétablir la santé sans autre traitement médical. Pour peu, bien sûr, que les patients les suivent ! Si la médecine traditionnelle chinoise attache tant d’importance à la prévention, c’est qu’elle n’oublie pas que les maladies ont un propriétaire, qui doit être informé et conseillé pour pouvoir reprendre lui-même le contrôle et la responsabilité de sa santé.

  

 Comme on le voit, loin de se limiter à la seule acupuncture - ce qu’imaginent encore beaucoup d’occidentaux -, la médecine traditionnelle chinoise dispose d'un très vaste champ théra­peutique. Un champ encore étendu par le fait que ces branches sont combinables entre elles, car elles reposent sur une même vision et un même diagnostic. L'intérêt de ces métho­des est qu'elles ont su conserver leur efficience au fil des siècles, tout en s'adaptant aux besoins changeants de notre monde. Ainsi, des traitements pour le cancer ou le SIDA sont actuellement étudiés et appliqués dans de nombreux instituts traditionnels, notamment en Chine, aux Etats-Unis et en Afrique.

Il va de soi que, pratiquées séparément les unes des autres, et surtout sans pose préalable du diagnostic traditionnel chinois, ces méthodes thérapeutiques se rapprochent, dans la forme, de leurs homologues occidentales. C’est pourtant faire fi de 3000 ans d’histoire et preuve d’un ethnocentrisme grossier que de croire que seul un kinésithérapeute puisse pratiquer le Tui Na, un psychologue user de conseils, ou un docteur de médecine occidentale appliquer des aiguilles d’acupuncture ou prescrire des plantes chinoises. Le corporatisme n’est guère compatible avec l’approche holistique, et c’est la raison pour laquelle la reconnaissance de la médecine chinoise en Europe devra se faire dans son intégralité, en tant que système médical, et non « en pièces détachées ». Ce serait sonner le glas de cette médecine que de la livrer démantelée et sans âme à autant de professions de santé qui en ignorent les fondements.

Ces méthodes ont enfin l’avantage d’être naturelles, économiques et surtout non iatrogènes. Elles permettent de soigner l’homme tout en le respectant, lui, ainsi que l’environnement indispensable à sa survie. A l'heure où les pays riches vivent au-dessus des moyens et des ressources de la planète ; à l’heure où la biomédecine et l’industrie agroalimentaire font des choix qui hypothèquent lourdement notre avenir et celui de nos enfants, la préservation de telles valeurs médicales nous apparaît d'une urgente nécessité.


 

[1] Une enquête du Journal of the American Medical Association fondée sur l’analyse de 39 études, elles-mêmes réalisées sur plus de trente ans de prescriptions, révèle que les effets secondaires indésirables des médicaments constituent la quatrième cause de mortalité aux Etats-Unis, soit 100 000 décès par an en moyenne, sans compter les quelque 2,2 millions de cas non mortels mais ayant entraîné des troubles graves. En France, le rapport 1997 du Comité de Pharmacovigilance portait à 18 000 le nombre de décès par effets secondaires des médicaments, soit deux fois les accidents de la route. Ce sont également quelques 6 % de malades qui décèdent d’un virus à l'hôpital - soit en France quelques 10 000 morts par an. Ces chiffres apparaissent d’autant plus inquiétants que les chercheurs ont exclu de leurs statistiques les cas où les traitements auraient été mal prescrits ou mal utilisés.

[2] Certaines personnes sont capables de localiser par simple ressenti les méridiens ou les points d'acupuncture ; d’autres peuvent déterminer l'action thérapeutique d'une plante rien qu'en la tenant dans leur main. Si la dissection et l'expérimentation trouvent naturellement leur place dans l'histoire de la médecine chinoise, c'est surtout son approche énergétique des phénomènes, liée à ses origines chamaniques, qui l'a faite évoluer qualitativement. Il est aujourd’hui prouvé que la matière est une forme d’énergie, et que le corps lui-même est de nature vibratoire. Mais ce qui semble évident en physique ne l’est à priori pas pour la recherche médicale moderne, qui repose quasi-exculsivement sur des postulats matérialistes.